Régulation universitaire

Pour prédire la mise en action à mobiliser des comportements d’apprentissages universitaires, il est nécessaire de revenir à la problématique de base : qu’est-ce qui motive un étudiant à atteindre ses objectifs universitaires ? Pour y répondre, nous allons nous référer aux théories du contrôle élaborées par Carver et Scheier (1998). Selon ce modèle, ce qui motiverait un étudiant à poursuivre ses objectifs universitaires est l’écart qu’il perçoit entre son état initial (Licence 1) et son objectif (Validation de sa Licence). Cependant, il arrive qu’un étudiant, lors de la poursuite de ses buts, rencontre des échecs ou des moments difficiles. Ce qu’il vit à ce moment-là a récemment été qualifié dans la recherche scientifique de « crise de l’action » (Hermann et al., 2019). Il s’agit d’un phénomène qui se manifeste par une diminution ponctuelle du SEP et de la motivation. Nous sommes confronté à un concept crucial puisqu’il est particulièrement présent au sein de l’université (Bettschart et al. 2019) et qu’il peut générer de l’abandon et du décrochage universitaire. 

            C’est, en effet, ce qui est soutenu par la famille des théories sociales-cognitives. Elles mettent en avant le fait, qu’après une diminution ponctuelle du SEP, les étudiants vont plonger dans un cercle vicieux qui va les amener à abandonner leurs objectifs (Bandura, 1986). Néanmoins, ces anticipations sont contredites par la famille des théories du contrôle qui soutient le contraire. En effet, selon ces théories, lorsqu’un étudiant rencontre une diminution temporaire du SEP, cela va l’amener à intensifier ses effort pour atteindre ses objectifs (Carver & Scheier, 1998). 

            La recherche contemporaine sur la question met en avant que ces deux dynamiques sont conciliables (Vancouver & Purls, 2017). Notamment si on prend en considération le fait que certains individus fonctionnent selon la dynamique de cercle vicieux tandis que d’autres fonctionnent selon la dynamique de persévérance. En effet, Pavani et ses collaborateurs (2019) ont mis en évidence le fait que la personnalité des individus, et plus précisément leur niveau de stabilité émotionnelle (c’est-à-dire, la tendance à ressentir des émotions négatives), va, en partie, déterminer s’ils vont fonctionner selon l’une ou l’autre de ces dynamiques. Ils ont montré que les individus stables émotionnellement ont plus de chance de persévérer après une crise de l’action tandis que les individus instables émotionnellement ont plus de chances de plonger dans un cercle vicieux.           

            Si nous savons que la personnalité détermine la manière dont les étudiants vont réagir à une crise de l’action, nous ignorons pourquoi est-ce qu’ils y réagissent différemment. Un mécanisme psychologique nous permet d’expliquer cela : il s’agit du type de stratégies que l’étudiant décide d’utiliser pour faire face à une crise de l’action. Ainsi, pour mettre en lumière ces différences dans le choix des stratégies, nous sommes en mesure de nous aider de la théorie dynamique de la motivation. Cette dernière a pour objectif d’expliquer les prises de décision des individus (Vancouver, 2000). Deux concepts forment son noyau : le sentiment d’efficacité personnelle, dont la définition est susmentionnée, et l’utilité perçue qui est « la perception qu’a une personne de l’importance de la réalisation d’une activité pour atteindre un but précis. » (Dubeau et al., 2015). 

         Nous savons que les individus ont plus tendance à adopter des comportements lorsque leur utilité perçue est importante (Berger, 2013 ; Fernandez, 2010) ou lorsque leur sentiment d’efficacité personnelle à l’adopter est élevé (Multon, 1991 ; Bandura et al., 1999). Nous pensons donc que ces deux variables déterminent le choix de stratégies mobilisées par un étudiant pour faire face à une crise de l’action. De sorte à ce que, plus un étudiant a confiance en ses capacités à utiliser une stratégie et plus il la jugera comme étant utile pour atteindre son objectif, alors, plus la probabilité qu’il l’utilise est élevée.

            Ainsi, les stables émotionnellement et les instables émotionnellement n’utiliseraient pas le même type de stratégies. Nous pensons que, pour faire face à une crise de l’action, les étudiants stables émotionnellement utilisent la résolution de problèmes, qui consisterait à intensifier ses efforts suite à un échec. Cependant, la recherche en psychologie a identifié des stratégies qui, non seulement ne mobilisent pas de résolution de problème, mais en plus, sont utilisées à la place de la résolution de problèmes. Ce sont ces stratégies que nous pensons que les étudiants instables émotionnellement utilisent. Un exemple serait la stratégie d’évitement, qui consisterait à éviter toutes situations renvoyant à l’université après un échec, conduisant donc à l’abandon.

            En conclusion, nous pensons que ce qui détermine le choix des stratégies utilisées pour faire face à la crise de l’action est l’interaction entre la personnalité des individus (niveau de stabilité émotionnelle) et leur environnement (crise de l’action). Cette interaction viendrait déterminer le choix des stratégies qui détermineraient à leur tour la mise en action des apprentissages universitaires.